mardi 14 juillet 2009

Encadrement du lobbying: pourquoi tant de timidité politique?

Mediapart

Anne-Marie Ducroux, administratrice de l'organisation Transparence Internationale France, qui lutte contre la corruption, réagit aux mesures que l'Assemblée nationale doit adopter jeudi 2 juillet pour réglementer, dans son enceinte, les activités des groupes de pression. Elle pointe un sérieux manque d'ambition.


Pour éclairer des questions complexes, nouvelles, souvent traitées dans l'urgence, les expertises plurielles et contradictoires sont essentielles à la démocratie. Ainsi, il est plus nécessaire que jamais de garantir aux citoyens, au sein du Parlement, une écoute équilibrée des représentants d'intérêts économiques, sociaux et sociétaux, environnementaux et culturels.

Dans un contexte financier tendu, il importe également que le mandat confié par les électeurs et l'argent public alloué par chaque contribuable aux élus ne soient pas mis, l'un et l'autre, sans transparence, au service d'intérêts particuliers, mais bien au bénéfice de la vie commune. Ainsi, améliorer le cadre des échanges entre Parlement et acteurs, prévenir les dévoiements individuels d'un système démocratique collectif, les conflits d'intérêts, les mécanismes d'influence qui dérapent, les tentations de corruption, renforcer tout simplement la transparence autour de l'activité des parlementaires et des modalités de leurs prises de décisions, offre autant d'occasions de créer des conditions plus propices à la confiance des citoyens envers leurs élus et leurs institutions.

A travers « le lobby » sont souvent pointées des questions de sécurité d'accès, alors qu'il s'agit en fait de penser de manière contemporaine la nature des relations entre un système représentatif et des acteurs de la société du XXIe siècle. L'enjeu moderne d'un fonctionnement démocratique de qualité.

Au regard de cet enjeu, que l'Assemblée et le Sénat nomment la question, y réfléchissent, est nouveau. Que l'Assemblée se dote d'un premier dispositif avec registre, badges, code de conduite est utile et positif. Que l'Assemblée et le Sénat ne se dotent pas d'un dispositif commun laisse perplexe.

C'est pourquoi TI France renouvelle sa demande d'un dispositif partagé et cohérent entre assemblées, révisé au bout d'un an après consultation publique. Mais surtout TI France appelle à aller beaucoup plus loin, avec plus d'ambition politique, afin de prendre cette réforme à la hauteur de l'enjeu démocratique qu'elle représente.

Pour TI France, les mesures ne doivent pas viser les seuls lobbyistes, mais l'ensemble des relations entre lobbystes et acteurs du Parlement. Ceci devrait passer par «la mise en place de règles de transparence et de responsabilité qui seraient applicables aux représentants d'intérêt comme aux parlementaires, à leurs collaborateurs et aux personnels de l'Assemblée nationale», comme l'indiquait Bernard Accoyer lui-même dans un courrier à TI France en mars 2009.

L'Assemblée nationale et le Sénat peuvent librement régir -seuls- leur organisation propre ! Il serait paradoxal que les assemblées fassent l'économie de l'examen de modalités ou pratiques internes, pour finalement ne statuer que sur l'accès d'acteurs externes au Parlement.

Un débat avec les parlementaires et les acteurs, sur cette question qui traverse les différents groupes politiques, ne devrait pas être redouté. Nous avons pu le constater, beaucoup d'acteurs rencontrés -intérieurs et extérieurs au Parlement- comprennent la nécessité de trouver dans leurs relations les modalités de la confiance et de la transparence. Beaucoup partagent ainsi les préconisations de TI France. Beaucoup sont prêts à aller beaucoup plus loin !

Les parlementaires ont donc tout intérêt à accepter dans les assemblées une dynamique d'amélioration continue des règles de leur fonctionnement, à être modernes, clairvoyants, audacieux et moins timides politiquement.

• Pour retrouver les recommandations de Transparence International France, cliquez ici. En voici déjà quelques-unes:

- un registre des lobbyistes obligatoire, public, (...) sur lequel seraient indiqués au minimum leur nom, les intérêts qu'ils représentent, (...) les budgets mobilisés

- la publication, conjointe et obligatoire, par les représentants d'intérêts et les assemblées sur leurs sites internets, des positions communiquées aux parlementaires, lors de la préparation d'un débat et lors du débat

- l'interdiction d'accès au Parlement à toute personne (...) reconnue coupable de corruption...

Mediapart


samedi 11 juillet 2009

Prend-on de meilleures décisions à plusieurs?

Prend-on de meilleures décisions à plusieurs?

CHRISTIAN MOREL

Même si les capacités de réflexion d'un collectif sont supérieures à celles d'un individu, la pertinence de leurs résultats est limitée par les effets de groupe et les méthodes que se donnent les organisations.

La fonction d'une organisation, quelle qu'elle soit - entreprise, groupe de travail, équipe de chercheurs, conseil d'administration -, est d'amener ses membres à réfléchir, décider et agir ensemble. Etre à plusieurs pour réfléchir est certainement un avantage : on peut se répartir le raisonnement en tâches plus simples, examiner davantage d'options, enrichir mutuellement les idées des uns et des autres, vérifier les calculs de chacun.

A priori, la rationalité d'un collectif devrait être supérieure à celle d'un individu, nécessairement limité par ses capacités à s'informer et à penser. Mais cette rationalité collective se heurte à d'autres limites, qui proviennent des formes mêmes de la réflexion et de la décision à plusieurs. Une organisation possède une intelligence propre qui la rend plus efficace qu'un individu seul. Mais cette intelligence collective, pour fonctionner, doit utiliser des processus spécifiques comme le travail en groupe et la coordination implicite. Et ces processus présentent des risques propres de dysfonctionnement qui peuvent détériorer cette intelligence collective.

L'organisation moderne est caractérisée par des principes tels que la division du travail, des règles impersonnelles et des actions méthodiques. Or ces principes mêmes, et en dépit de qualités par ailleurs avérées, lorsqu'ils sont appliqués à des collectifs, sont à la source de certains silences qui induisent des effets contre-productifs. Notamment, ils font obstacle à la perception et à la compréhension de problèmes qui peuvent être graves.

LES FORMES DU SILENCE

La première forme de ces silences est la tendance à ne pas répéter ni accentuer les alertes. En effet, l'organisation moderne se veut impersonnelle et rationnelle : on ne crie pas, on n'insiste pas, on utilise des signaux standardisés, on ne manifeste pas de sentiments personnels.

Par exemple, une note ou un message d'alerte grave peut parfaitement, par sa forme et son style, ressembler à une note de routine. Souvent, les acteurs jugent qu'une alerte émise n'a pas besoin d'être répétée. Cette forme de silence est à l'origine de cas célèbres d'erreurs collectives. Lors d'une réunion décisive pour le lancement de la navette Challenger (qui allait exploser en vol le 28 janvier 1986), plusieurs ingénieurs se sont tus parce qu'ils estimaient inutile de reparler des défauts des joints responsables de l'accident après qu'un autre participant les eut déjà évoqués (1). On sait aujourd'hui qu'en 1961, lors des séances préparatoires de l'opération de la baie des Cochons convoquées par le président John F. Kennedy, le secrétaire d'Etat Dean Rusk et l'assistant du président Arthur Schlesinger se sont retenus d'exprimer leurs hésitations, alors que J.-F. Kennedy était prêt à les écouter (2). On connaît aussi deux cas d'incidents aériens ayant tourné à la catastrophe parce que les pilotes ont appliqué le principe de sobriété d'expression avec les contrôleurs, alors qu'ils auraient dû crier leur détresse.

En réalité, comme l'ont montré les travaux d'Amos Tversky et de son école, l'intelligence humaine est dépendante de la mise en relief des messages, qui ne sont perçus que s'ils sont « saillants ». Ce principe est au coeur de la méthode dite du « management visible » appliqué au Japon dans l'industrie, en particulier automobile, et dans certaines entreprises européennes. Il consiste à mettre en évidence, notamment dans les ateliers, les informations importantes en utilisant des présentations simplifiées, des symboles voyants et des répétitions de messages. Par exemple, un ouvrier signalera un problème sur une chaîne en allumant un feu d'alerte visible de partout alentour. De même, la méthode du « juste à temps » est considérée par ses fondateurs (Kiichoro Toyota et son conseiller Taichi Ohno) comme un instrument de mise en lumière des problèmes. En effet, quand on dispose seulement des pièces nécessaires pour la demi-journée de production qui suit, la moindre difficulté (défaut, rupture d'approvisionnement) éclate immédiatement au grand jour. Les stocks, en revanche, permettent de masquer toutes sortes de problèmes. Le management visible et le « juste à temps » sont des procédures destinées à lutter contre le silence organisationnel qui masque les problèmes.

L'atténuation des désaccords est également à l'origine de certains silences dommageables. C'est un fait paradoxal : le bon fonctionnement d'un groupe de travail exige des manières policées, mais cette politesse peut mener le collectif à ignorer les problèmes et à faire des erreurs. Même dans les réunions de crise, les responsables s'efforcent de rester calmes et polis. C'est un défaut de la « pensée de groupe » selon Irving L Janis.

QUAND PERSONNE NE DIT CE QU'IL PENSE

De même, la division poussée du travail peut induire des effets de silence. Les participants à une réunion peuvent trouver avantage à renvoyer la parole aux spécialistes, et ces derniers, estimant le cas trop complexe, la renvoyer aux généralistes. Résultat : personne ne dit ce qu'il pense. Dans le cas de la navette Challenger, les spécialistes affirment avoir retenu leur avis critique parce qu'ils pensaient que le problème concernait, de manière plus large, les managers. Et ces derniers se sont tus parce qu'ils ne se sentaient pas experts en matière de joints. C'est encore plus vrai lorsque des sujets ou des projets sont à cheval sur deux ou plusieurs spécialités et ne rentrent dans aucun cadre préétabli.

Outre la taille des groupes, qui peut rendre impossible la prise de parole de tous les participants, un dernier facteur de dangereux silences peut être identifié. Dans les organisations modernes, en effet, l'intuition n'a pas droit à la parole : toute argumentation doit être appuyée sur des faits. L'intime conviction n'est pas un principe de raisonnement collectif, même s'il est présent chez les individus. Les faits (statistiques notamment) sont infiniment mieux acceptés et pris en compte que des opinions ou des sentiments. Globalement, c'est un progrès. Mais dans le détail, c'est un handicap considérable. Dans l'affaire de la navette, la décision de procéder au lancement un jour de grand froid a été prise malgré un sentiment d'inquiétude des ingénieurs. Ces derniers, en effet, ne disposaient pas de données synthétiques sur le comportement des joints à basse température atmosphérique. Faute de faits, on est passé outre. C'est une pratique courante en marketing. Le marketing d'aujourd'hui est fondé sur le recueil rigoureux des opinions des consommateurs. Il aboutit à concevoir des produits qui satisfont les habitudes d'un consommateur moyen qui n'existe pas. En revanche, il est impossible de prouver par des études qu'un produit innovant va marcher. Les échecs répétés de certaines entreprises, qui se refusent à procéder à des choix instinctifs, viennent de là. En ne suivant que les « faits », les organisations sont condamnées à répéter des erreurs dont il est difficile de prouver l'origine.

Ainsi, comme on le voit, les organisations modernes utilisent des procédures de délibération faites pour lutter contre les biais de la rationalité individuelle : on standardise, on favorise l'expression impersonnelle pour compenser les biais de l'individu, trop sensible à la conviction et aux messages saillants ; on a recours aux faits pour combattre l'intuition. Mais cette rationalité collective introduit à son tour des sources majeures d'erreurs difficiles à corriger.

LES BONNES MÉTHODES SONT-ELLES SI BONNES ?

Afin d'améliorer le travail en groupe, les organisations modernes mettent en place des méthodes souvent sophistiquées. Réfléchies, rigoureuses, elles ne peuvent, pense-t-on, qu'être plus efficaces qu'une absence de méthode. Mais leurs effets ne sont pas si assurés, notamment parce qu'elles échouent à améliorer la réflexion collective.

Par exemple, il existe une méthode de travail en réunion qui connaît un grand succès, celle que j'appellerai des « papillons jaunes ». Sur les questions à l'ordre du jour, chaque participant écrit chacune de ses idées sur un papillon collant. Les papillons sont ensuite placés sur un tableau et regroupés en fonction des remarques de l'assistance. Puis on procède à un vote pour donner un ordre de préférence aux groupes d'idées. En règle générale, il n'en sort rien de concret. Cette méthode facilite l'expression des participants, mais noie les problèmes importants dans un ensemble d'idées vagues. Les acteurs, pour respecter le format des papillons, énoncent des formules globales, et les regroupements accentuent la tendance à produire des idées générales. On pourrait en dire autant des méthodes de travail par sous-groupes, qui consistent à diviser l'assemblée en petits groupes qui réfléchissent entre eux, puis délèguent un rapporteur à l'assemblée générale. Le plus souvent, la restitution est pauvre, confuse et reste très générale. Ces exemples donnent l'illusion de processus bien organisés et ouverts de gestion participative des problèmes. En réalité, ils n'empêcheront pas qu'une erreur collective persiste, parce que ces méthodes ne permettent pas vraiment à ceux qui sont conscients de l'erreur de la faire remonter.

D'autres méthodes ont pour objectif d'améliorer le fonctionnement des réunions classiques. Par exemple, on se donnera un ensemble de règles visant à organiser l'action : fixation d'un ordre du jour détaillé et exclusif, minutage du temps de parole, tour de table démocratique, obligation de prendre une décision en fin de réunion, rédaction d'un compte-rendu de séance, etc. Ces règles paraissent de bon sens, mais elles mènent souvent à un excès d'organisation qui, en fait, réduit la réflexion. Ainsi, un ordre du jour rigide empêche de parler d'une difficulté non prévue, ou de développer une idée fructueuse. Le tour de table démocratique distribue la parole de façon non pertinente. L'obligation de prendre une décision oblige à se précipiter. Au bout du compte, il apparaît que la recherche d'un ordre collectif ne se traduit pas forcément par une rationalité accrue des décisions par rapport à ce que serait celle d'un individu solitaire, forcément limité.

Toutefois, ce genre d'effet ne résulte pas seulement des procédures de délibération collective. Il émane aussi de la combinaison des conduites individuelles. Dans les organisations, les acteurs se guident en bonne partie sur des anticipations croisées. Thomas Schelling appelle « point focal » la solution de compromis que les parties anticipent sans communiquer directement. Claude Michaud et Jean-Claude Thoenig considèrent que beaucoup d'organisations fonctionnent à l'aide de corridors d'action : chaque acteur sait ce qu'il doit faire, et sait ce que l'autre va faire et sait que l'autre sait ce qu'il sait.

QUAND CHACUN SE TROMPE, TOUT LE MONDE SE TROMPE

Ces anticipations sont, en moyenne, extrêmement rentables : prescrire toutes les actions de chacun serait une perte de temps, à supposer que cela soit possible. Mais cette rationalité procédurale a aussi ses limites. Quand chacun croit savoir ce que l'autre pense, il y a un risque d'erreur. Un grand nombre de collisions de navires proviennent d'anticipations croisées a priori raisonnables. Dans les cockpits d'avions de ligne, où en principe tout message doit être explicitement verbalisé, il arrive que les pilotes commettent ce genre d'erreur : par exemple, face à un commandant qui ne réagit pas, le copilote pense qu'il confirme son identification du réacteur défectueux, ce qui n'est pas le cas ; ou encore, un officier mécanicien estime que le commandant de bord a de bonnes raisons de ne pas se soucier du niveau de carburant, alors que ce dernier compte sur lui pour réagir si la baisse devient inquiétante. Dans la vie quotidienne, l'anticipation permet aux personnes qui se perdent de se retrouver, ou au contraire de faire exactement l'inverse de ce que chacun attend. La rationalité procédurale des anticipations croisées est à la fois un moteur puissant de l'action collective et un facteur d'erreurs fatales.

L'agrégation de raisonnements individuels imparfaits représente également un facteur de limitation de la rationalité. Il a été démontré par des psychologues que les individus ont beaucoup de mal à penser en arborescence, c'est-à-dire à combiner des étapes conditionnelles successives. Un groupe a encore plus de difficulté à raisonner de cette manière. Cette difficulté provient des mécanismes mêmes de l'interaction : on passera beaucoup de temps sur une dimension du problème et on fera l'impasse sur la seconde ; on cherchera un compromis impossible ; on se laissera distraire par une question pertinente et on négligera l'essentiel. Par exemple, dans une usine où se côtoient une porte avec barrière et gardien et une autre ouverte sans surveillance, chacun individuellement admet que c'est absurde. Mais, en comité de direction, la discussion sur les choix possibles et leurs conséquences (deux portes gardées, une gardée et une fermée, etc.) devient si confuse qu'aucune décision n'est prise.

Ensuite, certains biais individuels deviennent d'autant plus problématiques qu'ils sont partagés et produisent un « effet de masse ». Si, dans une entreprise, un individu croit à la validité d'échantillons statistiques de taille ridicule pour des sondages d'opinion, il se trouvera un expert pour lui expliquer qu'il se trompe. Mais si tous les cadres partagent cette conviction, alors l'expert n'y pourra rien, et les indicateurs dénués de sens deviendront des standards de référence pour l'entreprise.

Du fait de la rationalité collectivement limitée, l'organisation moderne peut apparaître ainsi moins « intelligente » qu'un individu. Par exemple, il est quasiment impossible pour un groupe de rédiger collectivement un document d'information clair et pertinent

Pourtant, il est évident qu'un groupe est capable de réalisations qui sont hors de la portée d'un individu : interpréter une symphonie, construire un avion, transplanter un organe. Comment expliquer ce paradoxe ? C'est que la rationalité collectivement limitée des organisations modernes produit à la fois des objets extraordinaires, et beaucoup de « bruit ». Ce bruit est masqué par le caractère extraordinaire des objets et reste en général imperceptible, sauf en cas d'accident. Ainsi, les plus belles réalisations collectives sont-elles à la merci d'erreurs pourtant prévisibles. Les sociologues de l'école de Berkeley ont pris le porte-avions comme exemple même de l'organisation complexe et fiable. Mais le son discordant de l'hélice du Charles-de-Gaulle nous rappelle que le bruit de la rationalité collectivement limitée se fait toujours entendre quelque part.

Science-Humaine.com


Pétition : Faire Interdire la présentation d'Armes à feux, Armes blanches, Drogue à la TV

L'influence négative sur nos enfants (et parfois même, certains adultes...) des images de violence, de présentation d'armes à feux, d' armes blanches, de drogues, et de leurs usages n'est plus a démontrer, et notre société a trop longtemps souffert des conséquences dramatiques.

L'heure est venue de demander, à l'instar de ce qui a été fait pour la cigarette, l'interdiction pure et simple de les présenter à la télévision publique ou privé.

Ces images pourront être visible, éventuellement, pour les inconditionnels de la violence, aux heures de nuit.

Si l'avenir des rapports humains dans nos sociétés occidentales vous préoccupe, merci d'apporter nombreux, vos voix.

vendredi 10 juillet 2009

Le difficile chemin vers l’intelligence collective

Les technologies web 2.0 aident à passer de la veille traditionnelle à l’intelligence collective. Un chantier organisationnel et culturel, comme l’ont expérimenté trois grands comptes.

À quoi peut servir le web 2.0 en entreprise ? A renforcer la fonction de veille en favorisant l’exploi­tation des données brutes, répondent trois grands comptes français. Il s’agit d’aller au-delà de la récolte d’informations pour l’enrichir, la partager et tendre vers l’explicitation de connaissance. Le pôle innovation de Crédit Agricole SA, la branche R&D d’EDF et Thales Alenia Space ont adopté de nouveaux outils tels les blogs et les wikis. A l’origine de la décision des deux industriels, le contexte économique. « L’arrivée de la concurrence nous a contraints à nous adapter, à innover en permanence, à n’être plus seulement réactif mais proactif », rappelle Aurélie Renard, chef du projet d’intel­ligence collective Hermès chez EDF. La société Thales Alenia Space évoluait déjà dans un espace concurrentiel, mais elle a dû faire face à la réduction des cycles de fabrication et de commercialisation. Ces deux groupes sont, en outre, confrontés au fameux papy boom. Circonstance aggravante : le départ à la retraite concerne une génération de pionniers qui avait accumulé un fort capital connaissance, que ce soit dans le spatial ou le nuclé­aire.

Le nombre, un faux problème ?

Les retours d’expérience de ces trois grands comptes montrent que le chemin est loin d’être tout tracé. Le plus difficile étant d’engager la dynamique participative chère au web 2.0. « Sur le net, les forums fonctionnent bien avec, par exemple, 150 000 rédacteurs poten­tiels sur un sujet », note Jean-Philippe Blanchard, responsable du pôle innovation au Crédit Agricole SA. Dans son service, ils ne sont aujourd’hui qu’une petite dizaine à contribuer vraiment sur la plate-forme collaborative montée avec les outils de Jalios. « Il faut accepter la règle des 1/10/100 : pour un leader de communauté, il y a 10 personnes très motivées et une centaine qui s’intéresse, explique Sylvain Lebosquain, coordinateur marketing et vente chez Thales Alenia Space. Plus le groupe est large et mieux il marche. » Consultant spécialiste dans la mise en place et l’animation de communautés de pratiques, Ronan Delisle estime néanmoins que le nombre n’est pas un obstacle insurmontable : « Une bonne dynamique peut s’enclencher avec seulement deux personnes. » Au bout de deux ans et demi d’expérimentation, EDF peut s’enorgueillir d’avoir créé 4 000 comptes sur sa plate-forme Hermès, dont 1 500 actifs, de compter 90 communautés, 25 000 billets de blogs et 40 wikis en construction. Une première réussite qui ne fait pas oublier à Aurélie Renard et à sa collègue Christine Derouet, en charge du déploiement de Hermès, les difficultés rencontrées et celles qui restent à surmonter.
Les trois entreprises s’accordent pour affirmer que le problème est d’abord humain. La culture du secret et la crainte de perte de pouvoir suite au partage d’informations sévissent encore, y compris dans les équipes de chercheurs. « On ne sait pas qui adhère le plus spontanément, jeune ou vieux, scientifique ou marketing, souligne Aurélie Renard, d’EDF. Il a fallu démontrer qu’il y a moins de risques à partager qu’à ne pas le faire. » Autre écueil auquel a dû faire face l’électricien : la réticence des salariés, même experts, à s’exposer dans un blog. Ils perdent alors tout contrôle sur la diffusion de leurs messages, alors qu’avec la messagerie, ils interviennent dans leur écosystème en ciblant un nombre restreint de personnes bien identifiées.

Mais c’est justement cette diffusion plus massive qui intéresse l’entreprise tout autant que l’enrichissement de l’information brute par une mise en contexte du blogueur. L’exercice est délicat, le blog apparaît à la fois comme outil d’expression personnelle et un outil de publication simplifié. Pour Jean-Philippe Blanchard, du Crédit Agricole, il convient de bien préciser la fonction de l’outil : « Ce n’est plus l’institution qui parle, mais l’expert. Le blog est un espace de liberté avec des billets d’humeur. Il faut être en rupture. » D’ailleurs, sa société, pas plus qu’EDF, n’a pas mis en place de système de validation. Les blogueurs s’expriment en toute liber­té, le système s’autorégule.

Faire vivre la communauté

Mais ce n’est pas le tout d’avoir des billets en ligne, encore faut-il encourager les salariés à réagir, ce qui est une autre façon de s’exposer. Pour cela, EDF R&D a dû déployer « un effort de conviction constant », dixit Aurélie Renard. Dans la vision du groupe énergétique, le blog n’est toutefois qu’une étape dans la formalisation de la connaissance. L’objectif est d’aller vers une co-construction du savoir et une connaissance pérenne grâce aux wikis. « On avait imaginé au départ la construction d’encyclo­pédies, mais les wikis ont aussi servi comme tableau de bord et outil de pilotage pour des projets », s’étonne Aurélie Renard. Ce détournement devrait logiquement cesser avec l'adoption d'un logiciel collaboratif. Les wikis retourneront à leur vocation première, celle de construire le wikipedia d’EDF. Chez Thales Alenia Space, le bon fonctionnement de la communauté a nécessité la nomination d’un animateur. « La dyna­mique ne va pas de soi », confirme Sylvain Lebosquain. L’industriel a en outre beaucoup insisté sur une règle de fonctionnement essentielle : il n’y a pas d’un côté les fournisseurs d’informations et de l’autre les consommateurs. Chacun doit jouer les deux rôles : « C’est le contrat moral », insiste Sylvain Lebosquain. Néanmoins, il a fallu harmo­niser les niveaux hiérarchiques pour libérer la prise de parole.

Etendre le projet à toute l'entreprise

Pour monter ces projets d’intelligence collective, EDF R&D et Thales Alenia Space ont clairement privilégié une approche bottom-up tout en s’appuyant sur un sponsor haut placé dans la hiérarchie. Le directeur R&D pour le premier, le directeur de stratégie pour le second. Ensuite, ils se sont donnés du temps, plusieurs années, ont accepté de se tromper, mais en s’engageant à produire des résultats concrets. Chez Thales Alenia Space, lors de la phase pilote en 2008, a été livrée une première réalisation approuvée par la direction de la stratégie. Dès l’année prochaine, une fois que les processus seront mieux structurés et l’accompagnement des utilisateurs achevé, le projet sera étendu à toute l’entreprise avec la création de nouvelles communautés. A EDF, sur les 4 000 personnes connectées, la moitié vient de la branche R&D et l’autre du reste de l’entreprise. Mais il est bien difficile d’aller au-delà par le simple bouche à oreille. « On risque de s’essouffler en poursuivant dans la démarche bottom-up », analyse Aurélie Renard. Le prototype Hermès ayant fait ses preuves, il faut désormais adopter la démarche inverse pour l’étendre à l’échelle de toute l’entreprise. Le chantier organisationnel est immense.

L’avis du consultant, Ronan Delisle, dirigeant du cabinet Stardust Conseil

Il a créé un club de knowledge managers et responsables de communauté.
« Le blog peut devenir une désillusion en entreprise.

Cet outil web 2 est d’abord une extension du carnet personnel et de fait il ne convient pas à tous les services, par exemple commerciaux. Il sert mieux à explorer la technique ou la R&D. Et même dans ce cas, on butte régulièrement sur des processus collaboratifs où tout ne se partage pas. Le dépôt de brevet, par exemple, est nominatif. »

« Que partager en ligne ? C’est la bonne question

Les gens de la R&D donnent facilement leur avis mais hésitent à faire remonter leurs problèmes, ce qui équivaudrait à afficher leurs limites. Ils ont le sentiment d’être payés pour trouver des solutions. C’est culturel. Toute la scolarité, nous avons appris à ne pas copier sur le voisin, pas à être plus forts ensemble. Il faut une démarche proactive pour inverser cela. »


Trois projets d’avant-garde

Hermès chez edf

• Enjeu : L’intelligence collective ou co-construction d’un savoir à l’échelle de l’entreprise.

• Réponse : la mise en place d’une plate-forme de collecte d’informations via des flux en RSS, d’enrichissement et de partage via les blogs, et d’explicitation de connaissances avec les wikis.
La branche R&D a développé une solution basée sur Drupal.

• Etat : en attente d’adoption à l’échelle de l’entreprise. La plate-forme lancée en 2005 a commencé à être déployée en 2006 dans la branche R&D et
maintenant au-delà.

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M2I chez thales alenia space

• Enjeu : une expérience d’intelligence collective dans le domaine du marketing pour le fabricant de satellites et d’infra­structure orbitale basé à Toulouse.

• Réponse : la mise en place de deux communautés pilote pour tester la démarche. L’industriel s’est appuyé sur la plate-forme d’Ami Software pour
collecter l’information et la partager.

• Etat : le projet entre en phase opérationnelle après un an de phase pilote. L’année prochaine, le déploiement sera généralisé à l’échelle de l’entreprise.

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Espaces collaboratifs au Crédit agricole SA

• Enjeu : capitaliser sur les initiatives de veille et d’innovation d’un groupe fortement décentralisé.

• Réponse : le pôle innovation de la banque a mis en place un extranet basé sur l’outil de Jalios, complété par les fonctions de collaboration de Microsoft Office Communicator.

• Etat : depuis février, la banque utilise la dernière version de JCMS 6 de Jalios incluant les modules espaces collabo­ratifs (bureau virtuel, blog, wiki...) pour la veille technologique et l’animation de réseaux de managers à travers le monde.

01 Informatique, Avril 2009, En savoir plus